21/10/2025
L’ancien président Nicolas Sarkozy découvre enfin ce mardi 21 octobre 2025 ce que c’est que de ne plus tutoyer l’impunité. Derrière la porte de la prison de la Santé de son pays se referme aussi une époque où la morale se rangeait au vestiaire dès qu’un intérêt politique pointait le nez. Pour l’Afrique meurtrie par ses décisions passées, c’est un parfum de justice qui monte, même s’il n’efface pas les ruines laissées derrière lui.
Nicolas Sarkozy dort désormais là où le pouvoir ne protège plus. À la Santé, les souvenirs dorés du Palais de l’Élysée se transforment en carrelage froid et en repas sous barquette, malgré le luxe insultant qui y règne pour une prison. L’homme qui se croyait au-dessus de tout redescend parmi les mortels. Ce n’est pas un simple fait judiciaire, c’est la fin d’une illusion. Celle d’une époque où les puissants pouvaient se jouer du droit, s’enrichir d’ambitions inavouables et maquiller leurs compromissions sous des discours patriotiques.
Les ennuis de l’ancien chef d’État ne tombent pas du ciel. Ils viennent d’un long feuilleton où les valises d’argent, les intermédiaires troubles et les promesses d’amitié entre soutiens du Sud et prétendus démocrates du Nord ont fini par exploser au grand jour. Ce feuilleton a pour théâtre la France des palais et la Libye des mirages. L’un y voyait un allié, l’autre un marchepied. Puis quand les secrets ont commencé à sentir le pétrole et la trahison, l’un s’est transformé en justicier international. Il fallait donc faire taire le passé en même temps que le vieil ami devenu encombrant.
L’histoire est cruelle. Ce qui fut présenté comme une croisade humanitaire s’est révélé être une vaste opération de nettoyage politique. Les bombes larguées au nom des droits de l’homme ont arraché à la Libye son équilibre, son armée et son avenir. Le guide libyen est tombé, mais avec lui sont tombés des milliers d’innocents. Le pays s’est disloqué, les armes ont traversé les frontières, et le feu s’est propagé jusqu’au Sahel. Ce chaos-là n’a rien d’un accident. C’est le fruit d’une diplomatie de prédation, celle qui sème le désordre pour mieux vendre la paix ensuite.
Depuis, les peuples du Mali, du Niger, du Burkina Faso et d’ailleurs payent le prix du vide laissé par la vanité occidentale. Des familles endeuillées, des villages décimés, des enfants sans avenir. Et tout cela parce que quelques puissants ont cru qu’on pouvait remodeler un continent avec des missiles et des mensonges. Aujourd’hui encore, certains se serrent la main à Paris pour parler sécurité alors qu’ils en sont les fossoyeurs.
Les Africains n’oublient pas. Ils n’ont pas oublié le printemps qui s’est transformé en enfer. Ils n’ont pas oublié les promesses de démocratie fondues dans le sable du désert. Ils n’ont pas oublié non plus que des dirigeants comme Nicolas Sarkozy ont joué aux apprentis sorciers avec des nations entières, puis ont quitté la scène en laissant les peuples ramasser les débris.
L’incarcération de l’ancien président français n’efface pas le désastre. Elle symbolise seulement la fissure d’un système. Elle rappelle que même les murs dorés de la République ne sont pas imperméables à la justice quand elle décide enfin de frapper. Elle redonne un souffle à ceux qui, en Afrique, réclament depuis longtemps que la vérité remonte un jour jusqu’aux faiseurs de guerre et aux marchands d’influence.
Les peuples du Liptako-Gourma, aujourd’hui rassemblés dans l’Alliance des États du Sahel (AES), ont cessé d’attendre la rédemption venue d’ailleurs. Ils se redressent, conscients que la souveraineté ne se négocie plus dans les salons européens mais se construit par le courage et la lucidité. Les présidents Traoré, Goïta et Tiani incarnent cette volonté farouche de ne plus subir les leçons d’une Europe qui ne se remet jamais en question.
C’est dans cet esprit que les Africains et les Panafricanistes exigent que l’affaire Sarkozy-Kadhafi soit transférée devant la Cour pénale internationale (CPI). Ils veulent que justice soit rendue aux milliers de victimes libyennes et sahéliennes tombées à cause d’une guerre déclenchée sous de faux prétextes. Ce procès attendu serait plus qu’une sanction, il serait une leçon pour l’humanité entière. Il rappellerait que l’arrogance diplomatique et la cupidité politique tuent plus sûrement que les bombes.
Cette exigence s’étend à ceux qui, aujourd’hui encore, perpétuent les mêmes pratiques sous d’autres visages. Emmanuel Macron, qui a reçu Nicolas Sarkozy à l’Élysée quatre jours avant son incarcération de ce mardi, devrait y réfléchir. Le Mali a déjà dénoncé à l’ONU le rôle de son pays dans le soutien à des groupes armés opérant au Sahel comme le JNIM et a brandi des preuves que l’organisation internationale s’obstine à ignorer. Ce silence des Nations unies, complice et sélectif, nourrit le sentiment d’injustice et renforce la conviction que l’Afrique doit désormais compter sur elle-même.
Alors, oui, l’image de Sarkozy derrière les murs de la Santé a un goût amer et symbolique. Ce n’est pas seulement la chute d’un homme, c’est le reflet d’un système qui se croyait éternel. Les Africains applaudissent, non par vengeance, mais parce que la justice, même imparfaite, vient rappeler que la roue finit toujours par tourner. Et si elle tourne aujourd’hui contre lui, c’est peut-être le signe que les temps changent et que les masques, enfin, tombent.
Le monde ne manque pas de coupables, il manque de mémoires. L’arrogance des puissants se heurte toujours au mur de l’histoire, plus solide que toutes les forteresses. En entrant à la Santé, Nicolas Sarkozy emporte avec lui un symbole, celui d’une France qui croyait pouvoir juger les autres sans jamais se juger elle-même. Pour l’Afrique, ce n’est pas une revanche, c’est un avertissement. L’époque où l’on bombardait au nom de la morale pendant qu’on pactisait avec les tyrans touche à sa fin. Le vent tourne, et cette fois, il souffle du Sahel.
Par Abdoulaye Sankara (Abou Maco) |