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China Mall : la traite négrière en solde

8/10/2025

 
C’est avec des pacotilles que nous avons vendu nos frères aux Blancs. Un collier de verre, un miroir poli, un tissu qui brillait plus fort que la raison… et nos sangs mêlés se sont retrouvés enchaînés dans les cales. Ce fut le début de la traite négrière. Des siècles ont passé, et pourtant, rien n’a vraiment changé. Les bateaux ont cédé la place aux avions-cargo, les négriers parlent mandarin, et les colifichets ont simplement changé de code-barres.
Hier, nous troquions des vies contre des babioles. Aujourd’hui, nous échangeons notre dignité contre du plastique importé. Le marché est le même, les dupes aussi, et l’ivresse n’a pas faibli. Ce n’est plus la chaîne en fer qui nous lie, mais le besoin fabriqué, l’envie imposée, le désir de posséder ce qui nous nie.
Écoutez le bruit de nos pas pressés sur le carrelage brillant de ce grand cercueil blanc qu’on appelle China Mall. Ce claquement n’est pas celui du progrès, c’est celui de notre chute. Le cliquetis de nos portefeuilles résonne comme un leurre : nous le prenons pour la musique de l’élévation, alors qu’il scande la marche de la déroute. Fiers, mais vides, nous troquons l’âme de nos ancêtres pour un téléphone qui clignote, une montre qui ne donne que l’heure de notre propre effacement.
On a planté ce champignon toxique au cœur de notre capitale, et nous y courons comme des mouches sur du poison. On nous vend du rêve sous cellophane, mais on nous livre du vide. On nous promet la modernité, mais on nous sert l’oubli. Le China Mall n’est pas un centre commercial. C’est un sanctuaire du néant, une cathédrale du carton, un temple où l’on prie le dieu Plastique. Et à chaque achat, c’est une part de notre fierté que nous immolons.
Où sont passés les forgerons de la place, les tisserands, les potières, les conteurs ? Ils survivent dans l’ombre, pendant que nous, sourire béat et portable à la main, offrons nos dernières pièces à l’autel de la camelote. Nos femmes se parent de bijoux qui rouillent à la première pluie. Nos hommes se pavanent de gadgets qui font taire les voix des anciens. Nous avons brûlé nos boubous pour enfiler des loques made in China, persuadés que l’habit ferait de nous des rois. Mais un singe en costume reste un singe. Et nous, nous sommes devenus les singes savants de notre propre déchéance.
Nous vivons dans une économie cannibale. Chaque sac contrefait, c’est un artisan de moins. Chaque téléphone importé, c’est un atelier local qui ferme. Chaque produit pirate, c’est une chanson jamais enregistrée, une voix d’artiste étouffée dans le vacarme du faux. La contrefaçon n’est pas un simple vice, c’est une arme. Elle tue l’emploi, l’envie, la création. Elle détruit la confiance et l’identité. Nos marchés débordent de faux médicaments, de faux parfums, de produits dangereux et de rêves empoisonnés. Même nos voix sont contrefaites. Nous sommes devenus un peuple copié-collé, sans brevet sur notre propre âme.
Nos dirigeants détournent le regard. Ils parlent de liberté du commerce, nous voyons une liberté de piller. Ils signent des accords, accueillent des investisseurs, mais ferment les yeux lorsque la règle de base du commerce – protéger le producteur local – est bafouée. Comment peut-on tolérer que la contrefaçon circule librement, pendant qu’un musicien ne peut plus vivre de ses chansons, qu’un couturier ne vend plus ses tissus, qu’un artisan ferme boutique faute de clients ? Quel sens a un commerce qui importe la misère et exporte la richesse ?
Mais au-delà de l’économie, il y a la honte. La honte de notre peau, de notre histoire, de notre odeur. Nous payons pour nous effacer. Nous nous grimons en Occidentaux de pacotille, et nous appelons cela progrès. C’est une perte d’estime, une faillite morale. Lorsqu’un peuple accepte de n’être que consommateur et non producteur, il abandonne plus que des revenus : il renonce à se penser, à se définir, à se gouverner.
Alors il faut se poser les bonnes questions. Sommes-nous prêts à vendre notre avenir pour un chargeur à bas prix ? Sommes-nous prêts à sacrifier nos métiers, nos savoir-faire, nos traditions sur l’autel du confort immédiat ? Jusqu’à quand allons-nous applaudir l’ouverture de chaque nouveau temple de la pacotille comme s’il s’agissait d’une victoire nationale ?
Qui protège l’enfant qui apprend un métier traditionnel dans un monde saturé de copies à deux sous ? Qui défend l’artiste dont la chanson est piratée avant même sa sortie ? Qui encourage l’inventeur que l’on décourage dès les premiers pas ? Si nous ne répondons pas à ces questions, alors nous avons déjà perdu.
Le réveil ne viendra pas d’un discours officiel, ni d’un plan d’aide étranger. Il commencera par nous. Par notre rigueur, notre travail, notre fierté. Il commencera quand nous choisirons de produire, de créer, de transformer. Quand nous déciderons de protéger ce que nous avons, de soutenir nos artisans, d’acheter local, de valoriser nos talents. Il commencera quand nous comprendrons que boycotter l’illusion n’est pas une perte, mais un acte d’amour envers soi-même, envers son peuple, envers son avenir.
Un peuple ne se nourrit pas de discours. Il se nourrit du fruit de ses mains. Il se relève par l’effort, par l’exigence, par la foi dans le vrai.
Et quand les néons s’éteindront, que restera-t-il ? Si nous continuons à préférer les galeries du China Mall aux bibliothèques de nos aïeux, nous signerons notre propre disparition. Hier, nous avons vendu nos frères pour des colliers de verre. Aujourd’hui, nous nous revendons nous-mêmes, en solde, sur l’autel de la pacotille.
Il est temps de retirer ce produit du panier. Il est temps de remettre la main à l’ouvrage.
Ousmane Boh KABA

 

 
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